Lise ; « elle déguise ses vers pour ne pas être comprise » (uc)

ME VOILA QUI REGRETTE DEVANT CES QUELQUES MIETTES ;
« Amy, écoute-moi. Tu n’as pas les moyens de t’en occuper, combien de temps tu vas tenir comme ça ? Amy ! Arrête, Amy, écoute-moi ! » Mais elle ne l’écoutait pas. Comme elle ne l’écoutait jamais. Amy rinçait la même assiette depuis qu’il était entré, et elle faisait de mieux pour l’ignorer. Il ne pouvait pas comprendre. Il en était incapable. « Amy je t’en prie… sois raisonnable, tu n’as même pas les moyens de vous habiller correctement toutes les deux. Comment lui paieras-tu ses études ? Amy. » Il soupira. Et elle luttait contre ses larmes. Les sanglots qui lui montaient à la gorge et qu’elle contenait à grand peine menaçait de la trahir, mais elle ne flanchait pas. Amy n’était pas une faible femme, et elle ne l’avait jamais été. De cela, Louis n’en avait jamais douté. Les poings serrés, lui ne faisait même pas semblant d’être fort. Les larmes débordaient depuis des heures, des jours, des mois. Depuis que son imbécile de meilleur ami s’était fait la malle avec cette sotte de Linda Ainsworth, laissant Amy élever seule leur petite fille. Amy était tombée enceinte trop jeune. Amy avait aimé trop fort, trop vite. Amy n’avait pas réfléchi. Amy n’avait pas su voir l’amour sous son nez. Et maintenant, Amy était seule, retenant ses larmes, usant ses forces et son courage. « Amy… » « Je suis désolée, tu sais. Désolée de ne pas pouvoir t’écouter, désolée de toujours allez contre tes conseils. Tu veux mon bien. Je le sais, Louis. Je le sais très bien. C’est juste que… je l’aime tellement Louis. Lise et ses yeux bleus, Lise et son rire qui fait trembler les murs, Lise et ses colères quand j’oublie que sa couleur préférée, c’est le bleu, Lise et sa façon de me dire je t’aime. Lise c’est toute ma vie maintenant. Louis… Louis tu dois comprendre. Si je la laisse, si je l’abandonne Louis, j’en mourrais, tu sais. Oui, j’en mourrais certainement. » Elle avait laissé choir son assiette mille fois lavé, laissé choir son éponge. Et ses larmes aussi, oui, toutes ces larmes retenues trop longtemps. Lui se mordait la lèvre inférieur, ne sachant s’il devait la prendre dans ses bras, la laisser seule ou peut-être lui déclarer la flamme qui brûlait dans son cœur depuis au moins l’éternité. Il ne savait pas, alors il ne fit rien. Il l’écoutait juste verses sa tristesse, digérait ses paroles. Il savait bien sûr, il savait que Lison était toute sa vie. C’était tout ce qui lui restait de Tommy, de Tommy qui les avait trahi toutes les deux, de Tommy qui ne l’avait jamais beaucoup aimé. Pas comme elle, pas comme Louis. Amy se débarrassa de ses gants, l’ongle de son pouce, toujours un peu plus long que les autres, lui arracha un lambeau de la peau de son bras. Elle étouffa un gémissement de douleur, mais elle ne pouvait pas tout étouffer. Ses sanglots, sa douleur, ses regrets… Posant la paume sur sa blessure, elle se retourna lentement, fit face à Louis, sans pour autant oser affronter son regard. Elle aimait beaucoup Louis. Il avait été toujours été là, toujours tendre, toujours aimant. Il avait un adorable petit garçon, silencieux et timide, comme l’avait toujours été Louis. Elle savait aussi qu’il l’aimait trop, et qu’elle n’aurait jamais la force de donner tant d’amour. Pas encore. Elle avait déjà perdu trop d’elle-même dans sa douleur, et ne voulait pas se perdre totalement. Pour Lise. « Merci Louis. Merci de toujours trouver un prétexte pour m’aider, pour passer. Merci comme je n’ai jamais remercié personne. Mais Lise… » « Elle est toute ta vie. Mais elle ne te rendra pas Tommy. » Amy serra les poings. « Ce n’est pas ce que je veux ! » Mais elle ne pu affronter longtemps la triste résignation du regard de Louis, pas plus que le reflet de son mensonge. Oui, bien sûr qu’elle avait espéré que Tommy reviendrait, si ce n’est pour elle, pour Lise. Qu’il l’aurait pris dans ses bras, qu’elle aurait ri en criant papa, comme elle l’avait tant de fois fait déjà. Mais Tommy n’était pas revenu. « Tommy ne reviendra pas, Amy » Mais ça, elle le savait déjà. Elle n’était pas idiote. Elle savait que Tommy ne l’avait jamais aimé aussi fort qu’elle. Il ne lui avait jamais fait croire, ne lui avait jamais rien promis. Il n’avait pas fui quand elle était tombée enceinte, mais ne l’avait pas promis l’éternité pour autant. « Je le sais bien… » souffla Amy. « Je le sais bien… » souffla-t-elle encore.